En octobre 1962, le monde est passé tout près d’une troisième guerre mondiale, suite à la fameuse crise des missiles cubains. Et bien sûr, Américains comme Russes étaient prêts à détruire la planète avec leur magnifique arsenal nucléaire. 18 mois plus tard sort sur les écrans Dr. Folamour de Stanley Kubrick. Ou, plus exactement, Dr. ou : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe. Une sorte de comédie très noire et cynique, traitant par l’absurde d’une offensive nucléaire avec une galerie de personnages bien timbrés.
Le général Jack D. Ripper (Sterling Hayden), souffrant de problèmes d’érection (!!!) est persuadé que l’URSS est derrière tout cela, et qu’ils ont empoisonné l’eau potable des Etats-Unis avec du fluor! Il décide (seul) d’envoyer des dizaines de bombardiers équipés de bombes nucléaires frapper l’URSS. Ayant coupé sa base de toute communication avec l’extérieur, le Pentagone n’a aucun moyen de rappeler ses avions. Le président des États-Unis (Peter Sellers) fait une réunion d’urgence avec le haut commandement pour tenter d’éviter une guerre nucléaire.
L’armée tente d’intervenir sur la base pour reprendre le contrôle mais Hayden, fou et paranoïaque, est persuadé que ce sont des Russes, et riposte. Finalement, l’officier Mandrake (également Peter Sellers), conscient de ce qui se passe, trouve et arrive à communiquer l’ordre d’annulation de la commande au président. 3 bombardiers sont abattus par les russes (les russes sont informés des positions des bombardiers) et 38 font demi-tour de justesse. Mais il reste un dernier bombardier. Touché par un missile, il n’a pas reçu l’ordre d’annulation, sa radio étant endommagée. Et les soviétiques n’arrivent plus à remettre la main sur l’avion.
Arrivé à destination, la bombe atomique ne peut pas être larguée, le système d’ouverture étant bloqué. Le commandant Kong (Slim Pickens) décide de le réparer. La soute s’ouvre, la bombe atomique est larguée, avec le commandant Kong dessus ! Chevauchant la bombe atomique en faisant du rodéo, criant des « yahoo !! » et agitant son stetson, on le voit s’approcher du sol et… boum ! La guerre nucléaire est déclarée.
Dans la salle de commandement, le docteur Folamour (aussi Peter Sellers), ancien transfuge nazi, propose une solution pour sauver l’humanité : on sélectionne les meilleurs spécimens pour assurer la reproduction et ils vivent terrés sous terre jusqu’à ce que la vie à l’extérieur soit de nouveau possible.
La fin est très noire. Ce qui devait arriver arriva. Les Russes ripostent et lancent leurs bombes atomiques, de même que les américains. Sur une musique douce, on voit des dizaines d’explosions atomiques, les ¾ de la planète est détruite, et les survivants se retrouvent à l’âge de pierre.
C’est vrai que d’habitude, je ne raconte pas le film en entier, mais la scène du commandant Kong chevauchant la bombe atomique est tellement célèbre qu’on devine facilement comment cela va se terminer. Comme si on voulait garder le suspense pour Titanic, savoir si le paquebot va couler ou non.
Ce film, seule « comédie » de Kubrick est une sorte de grande farce grinçante, très noire et cynique. A travers ce film, Kubrick peut de nouveau aborder un thème qui lui est cher, à savoir l’incompétence des politiciens, et la folie de l’armée, ridiculisant l’état-major américain à coups de scientifiques mégalomanes, de généraux paranoïaques et de politiciens incompétents.
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Il y a encore quelques années, on aurait pu croire que les spectres d’un conflit nucléaire était écartés, les instances politiques et militaires voyant l’arme nucléaire plus comme un moyen dissuasif, mais étant suffisamment intelligents pour ne pas utiliser une horreur pareille. Mais lorsque l’on regarde ce qui se passe dans le monde actuellement, il y a de quoi être inquiet. Un petit florilège.
- L’Inde et le Pakistan, qui se haïssent et possèdent l’arme nucléaire. En conflit depuis plus de 50 ans, notamment pour le Cachemire, c’est à l’heure actuelle où le risque d’utilisation de la bombe atomique est le plus fort
- Le Corée du Nord, qui possède enfin des missiles atomiques à longue portée, et toujours belliqueuse et va t’en guerre
- La Russie de Poutine, qui rêve de reconquérir les territoires perdus lors de l’éclatement de l’URSS, et qui réarme
- Trump, qui vient de se retirer de l’accord de non-prolifération des armes nucléaires et qui veut accroitre son arsenal nucléaire
Concerant Trump, on peut dire qu’il est aussi con, puéril et dangereux que les personnes dépeintes dans le film. Ce film est une grande farce noire. Trump est sérieux !
Je terminerai pas le petit tweet posté par Trump en réponse à Kim Jong-Un qui avait affirmé avoir le bouton nucléaire sur son bureau.
« Le leader nord-coréen Kim Jong-un vient d’affirmer que le “bouton nucléaire est sur son bureau en permanence” (…) informez-le que moi aussi j’ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et il fonctionne ! »
On se croirait revenu dans la cour d’école pendant la récré, pour savoir qui a la plus grosse. Des enfantillages qui font peur, quand on sait que cela concerne la vie de millions de personnes et la survie de la planète.
En fait, je n’ai toujours pas donné mon avis sur ce film. C’est un bon film, mais je pense qu’il faut avoir un certain état d’esprit avant de le regarder. C’est une comédie noire et le film est drôle par son coté absurde et la bêtise des dirigeants, mais on rit surtout jaune. Ceux qui veulent éclater de rire risquent d’être déçus, même si quelques gags font mouche (comme les commentaires de Ripper sur ses précieux « fluides » ou le contenu du pack de survie).
De plus, même si c’est du Kubrick, pourquoi cette accumulation de plans séquences ou fixes ? Enfin, oui, la performance de Peter Sellers, qui incarne 3 personnages dans le film, est à saluer, même j’ai du mal avec son interprétation du Docteur Folamour. Il incarne un personnage hystérique à la Louis de Funès, qui dénote par rapport au reste du film.
Pour résumer, ce n’est pas le meilleur film de Stanley Kubrick, qui demande un petit investissement et une comédie un peu particulière, mais c’est le genre de film qui ne laisse pas insensible et qui fait réfléchir. Et c’est suffisamment rare pour être signalé.
Hidalgo
Extraits vidéo:
Docteur Folamour
Sortie: 1964
Durée: 90 minutes
Genre: Comédie noire
Pays: USA
Réalisation : Stanley Kubrick
Production : Judy Craymer et Gary Goetzman
Distribution : Columbia Pictures
Scénario : Peter George, Stanley Kubrick, Terry Southern
Acteurs principaux: Peter Sellers (colonel Mandrake, président Muffley et docteur Folamour), Sterling Hayden (général Ripper), George C. Scott (général Turgidson), Slim Pickens (commandant « King » Kong)
Budget : 1’800’000 $
Recettes mondiales: 9’400’000 $