Alors là, on s’attaque à du très très lourd, un film qui fait rêver l’amateur de mauvais films et de nanars. Manos : the hands of fate est considéré comme l’un des plus mauvais films de tous les temps et il fut pendant longtemps numéro 1 des worst 100 sur imdb (il occupe la troisième place au moment où je rédige cette chronique).
Une famille part en vacances dans le désert du Texas. Ils sont 4. Michael (Harold P. Warren) et Margaret (Diane Mahree), leur fille Debbie (Jackey Neyman) et Peppie, le petit chien.
Ils ont très bien préparé leurs vacances, n’ayant aucune idée où ils pourraient aller. Michael se perd et trouve une maison isolée tenue par « l’étrange » (c’est peu de le dire) Torgo (John Reynolds).
Torgo garde la maison quand le « maître » n’est pas là. Margaret a peur et veut absolument partir (comme le spectateur) mais la nuit tombant, ils vont devoir passer la nuit dans cet endroit.
A l’intérieur, Margaret n’est pas rassurée par une peinture représentant le « maître », puis par des bruits d’animaux.
En allant jeter un coup d’oeil à l’extérieur, le chien s’enfuit. Mike part à sa recherche et trouve Peppie mort. Ils décident de partir, mais Mike remarque que la voiture est en panne. Pendant ce temps, à l’intérieur, Torgo explique à Margaret que le « maître » la veut. Et Torgo a aussi des vues sur Margaret.
C’est alors que le « maître » se réveille, avec ses 6 femmes. Le maître est le gourou d’une secte vouant un culte au dieu Manos. Alors que le « maître » veut Margaret comme 7e épouse et punir Torgo, les femmes s’engagent dans une interminable conversation pour décider du sort de Mike, Margaret et Debbie…
Manos : the hands of fate n’a pas usurpé sa réputation. C’est effectivement très mauvais, le film semblant faire l’inventaire de toutes les erreurs à éviter dans un film. J’ai eu la « chance » de le voir et si cela tente quelqu’un, le film est disponible en entier en sous-titré français et en version restaurée dans les extraits vidéos en fin de chronique. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut parler de l’homme responsable du film, Harold P. Warren.
VRP spécialisé dans les engrais et habitant à El Paso (Texas), il se vante un soir dans un bar qu’il peut tourner un film d’horreur bon marché et réussir un joli coup commercial. Ses compagnons de beuverie ne le croyant pas, Harold P. Warren relève le défi. Il sera réalisateur, producteur, scénariste et acteur.
Il pond le scénario en 2 jours et utilise ses contacts pour financer son projet. Certains contributeurs auront la « chance » d’apparaître dans son film (d’où plusieurs personnages totalement inutiles à l’histoire jouant affreusement mal). Habile négociateur (la vente d’engrais, ça aide), il convainc les « techniciens » et « acteurs » qu’il embauche de ne pas être payés, mais de recevoir une part sur les bénéfices.
Avec un budget d’environ 19’000 $ il tourne à l’arrache avec du matériel d’occasion et quelques semaines plus tard, le film est diffusé en avant-première à El Paso, devant le gratin de la ville.
Harold P. Warren a réussi son pari, il a fait un film ! Par contre, les honneurs s’arrêteront là, car au vu de la réaction du public, l’équipe se serait discrètement éclipsée en plein milieu de la projection pour éviter de se faire lyncher.
Il y a de quoi, Manos : the hands of fate provoque la consternation la plus totale. Le genre de film qu’il faut voir pour le croire, et c’est même pire que ce qu’on aurait pu imaginer !
Commençons par les acteurs. Si Tom Neyman s’en tire à peu près (son costume ridicule, ses sandales et sa moustache de winner n’aident pas), c’est surtout le jeu complètement frappé de John Reynolds dans le rôle de Torgo que l’on retiendra. Entre sa démarche surréaliste, ses tics et gestes nerveux et son regard halluciné, sa prestation sauve le film, avec des scènes involontairement drôles.
Au sujet de sa démarche, John Reynolds portait des prothèses, car Torgo était sensé incarner un satyre avec des jambes de bouc. Chose que le film oubliera complètement d’expliquer ! De plus, John Reynolds passa presque tout le tournage sous LSD, ce qui explique son regard halluciné et ses tics nerveux. Malheureusement, il se suicidera 6 mois après la fin du tournage.
Quant aux autres « acteurs », les membres de la famille sont insipides et les femmes de Manos très mauvaises (c’était des mannequins).
Quant aux autres personnages inutiles, comme le couple se décotant dans une voiture, s’est encore pire (rappelons que ces personnages avaient payé pour avoir un rôle dans le film) !
Harold disposait d’une Howell 16 mm, une caméra qui ne peut filmer que 32 secondes d’affilée et sans son. Pas de problème pour Harold si la scène dure plus longtemps, il demande aux acteurs de reprendre la même position et de continuer la scène. Et peut importe si plusieurs heures s’écoulent entre les prises ou si la position n’est pas exactement la même !
Cela donne au film un style « haché », Harold montant le film à la serpe, avec un enchaînement de faux raccords. Quant à l’absence de son, pas de souci ! On fait doubler tous les comédiens par… 3 personnes (2 hommes et une femme) !!! Non seulement cela s’entend, mais cela se voit !
La synchronisation labiale n’était clairement pas une priorité, tant pis si le personnage continue de parler, mais qu’on a récité son texte ! Et pour les bruitages, il n’y en a pratiquement pas !!! Par exemple, on n’entendra jamais la décapotable de Michael et ce même quand il n’y a pas de musique !
En parlant de la musique, elle va de quelconque à juste horrible. Si les génériques sont de la soupe des 60’s, la majorité des titres verse dans le pire du free jazz, qui est juste atroce. A croire que le pianiste et le clarinettiste sont fous, jouant n’importe quoi frénétiquement. Cela en devient insupportable et donne surtout envie de se fracasser la tête contre les murs (l’extrait vidéo de la bagarre molle vous donne une bonne idée, en plus de montrer les autres défauts du film).
Bref, après avoir lu tout cela, vous vous demandez surement pourquoi Manos : the hands of fate n’a pas 6 « – » ? C’est que le film a un autre gros défaut : il est extrêmement mou, lent et chiant ! Le visionnage du film s’apparente plus à une épreuve de force, car le film a beau ne durer que 1h13, je me suis endormi en le regardant !
Certes, le film comporte des scènes très drôles, comme le jeu de Torgo ou des faux raccords d’anthologie, mais on est loin de rire autant qu’à la vision d’un Invasion USA ou Robo Vampire (les 2 chroniqués sur le site).
La discussion entre les femmes pour décider du sort de la famille dure des plombes et leur bagarre interminable est d’une molesse à toute épreuve (éviter les bleus et les bosses, car elles sont mannequins et ça pourrait leur coûter un ou plusieurs contrats).
Les dialogues sont d’une inanité rarement vue, on assiste à de longues minutes ou un paysage morne défile sous nos yeux et où il ne se passe rien, etc. Rajoutez le montage à la serpe, les faux raccords, des acteurs inutiles et très mauvais et la musique horrible pour vous donner une idée du résultat final.
Quant à Harold P. Warren, Manos : the hands of fate fut son unique film (comme pour la majorité de l’équipe). Il semblerait que sa courte diffusion dans des drive-in permis au film d’être légèrement rentable.
Il avait écrit un autre scénario, Wild desert bikers, et souhaitait le tourner.Mais l’accueil calamiteux au film et le refus du casting de travailler à nouveau avec lui mis fin à l’aventure.
Il tenta sans succès de vendre son script sous forme de roman, puis retourna à sa vie de commercant d’engrais. Il mourut en 1985 à l’âge de 62 ans, sans savoir que son film sortirait de l’oubli et obtiendrait un statut de film culte quelques décennies plus tard.
En résumé, Manos : the hands of fate mérite son statut d’un des plus mauvais films jamais tournés. Incroyablement mou, mais paradoxalement haché par son montage à la serpe, bourré de faux raccords, avec de nombreux acteurs inutiles jouant affreusement mal, des scènes de remplissage interminables et une musique horrible, le film ne vaut que pour le jeu de John Reynolds en Torgo.
Le film semble faire l’inventaire de toutes les erreurs à éviter et le résultat à l’écran est juste consternant. Son visionnage demande une certaine résistance, car on est loin du nanar très drôle. Sa lenteur et sa molesse pouvant facilement assurer un sommeil profond aux personnes qui le visionneront.
Hidalgo
Extraits vidéo :
Manos : the hands of fate
Sortie: 1966
Durée: 73 minutes
Genre: nanar (soi-disant horreur)
Pays: USA
Réalisation: Harold P. Warren
Production: Harold P. Warren
Distribution: Emerson Film Enterprises
Scénario: Harold P. Warren
Musique: Russ Huddleston, Robert Smith Jr.
Acteurs principaux: Tom Neyman (le maître), John Reynolds (Torgo), Harold P. Warren (Michael), Diane Mahree (Margaret), Jackey Neyman (Debbie)
Budget: 19’000 $
Recettes : n.c., mais le film aurait été bénéficiaire !