Si vous n’êtes pas familier des nanars, ces films si mauvais qu’ils en deviennent très drôles, Torque, la route s’enflamme est un film qui peut vous introduire à cet univers, et une valeur sure pour l’amateur de nanars. Car Torque, la route qui s’enflamme, c’est un nanar de premier choix sorti en 2004, qui fait passer les derniers films de la saga Fast and furious pour des films au scénario travaillé, cohérent et aux scènes d’action réalistes et pondérées.
Après le succès de 2 Fast 2 furious en 2003, Neil H. Moritz, le producteur des Fast and furious, eut une idée de génie ! Et si on faisait un film du même style, mais avec des motos ? Mais si, tu verras, ce sera super ! A ses associés, pour les convaincre, il dit un truc du genre :
« On prend un réal de clips vidéo, comme ça, il nous fera un truc stylé avec des cascades de ouf pour les djeuns (rappelons que le film date de 2004). Pour les acteurs, on s’en balec, des inconnus avec une belle gueule feront l’affaire, sauf les méchants, qui devront grimacer. Le scénar ? On s’en fout, et ça a marché avec Fast and furious. Mais cette fois, on va faire plus fort, un film encore plus beauf, plus de filles en bikini, avec des séquences bien tape-à-l’œil ! Tu verras, ils vont adorer et on va palper gros ! ». Mais au fait, ça parle de quoi, Torque?
La scène d’ouverture annonce tout de suite la couleur : 2 voitures tunées font la course sur une route désertique. Soudain, une moto derrière eux veut les dépasser. Les 2 voitures utilisent de la nitro et dépassent les 160 mph (environ 260 km/h). Mais non, le motard les dépasse entre les 2 et en wheeling ! Yo ! La moto va si vite que son souffle fait tournoyer des panneaux qui font apparaître « Cars suck », soit « les voitures, ça craint ! ».
Si le film était une comédie, on trouverait ça drôle, mais le problème, c’est que Torque, la route s’enflamme n’est pas une comédie, mais un film sérieux. Par contre, durant tout le film, on va rire à son insu! Et cette scène résume déjà ce que le film sera : un film qui glorifie les motards, ultra-macho, tout le temps dans la surenchère, qui ne cesse de se la péter et très con !
Bref, retour sur le motard, qui s’arrête dans un bar paumé. Cary Ford (Martin Henderson) revient après avoir passé 6 mois en Thaïlande, car suspecté de dealer de la drogue. Cary, c’est un mec trop super bogosse !
Quand les gars qu’il a dépassés arrivent pour s’expliquer, leurs voitures sont couvertes de poussière, mais Cary n’en a pas un seul grain sur sa combinaison ! Et malgré le port du casque, sa coiffure est impeccable, genre pub pour le dernier shampoing Garnier !
Bref, Cary leur pètlageul, quand ses potos Dalton (Jay Hernandez) et Val (Will Yun Lee) qu’il n’a pas vu depuis 6 mois arrivent. Quoi de mieux qu’une petite course pour fêter ça ? Cary et ses potos vont supervite.
Un peu plus loin, la bande des Reapers, dirigée Trey (Ice Cube) font un petit barbeuk trankil au bord de la route en plein milieu du désert. Le frérot de Trey, qui pionçait sur sa moto, tombe par terre à cause du souffle de la moto de Cary et ses potos !!!
S’en est trop, furax, frérot se lance à leur poursuite pour leur expliquer la vie… mais se caslageul ! C’est là qu’arrivent les Reapers (rappelons qu’ils faisaient un barbeuk trankil il n’y a pas 2 minutes et que Cary faisait la course avec ses potos), Trey s’avance. Cary et Trey ne sont pas des potos, mais Trey passe l’éponge sur l’incident. Trop cool !
Bref, Cary et ses potos arrivent à un rassemblement de motards. Un rassemblement de beaufs plutôt, car hormis la bière et les motos rutilantes, on voit surtout des femmes chaudasses en manque de respect pour elles-mêmes, astiquant des motos avec très peu de tissu. La vision des femmes dans ce film était déjà à gerber à l’époque, mais j’y reviendrais.
Cary retrouve son ex, Shane (Monet Mazur) et ils commencent à discuter quand Henry (Matt Schulze), le méchant pabô et chef des Hellions arrive avec sa clique et sa biatch China (Jaime Pressly). Henry n’est pas content, car Cary a en sa possession plusieurs motos lui appartenant, avec les réservoirs remplis de drogue. Les flics étant au courant, Cary les a planquées et s’est taillé en Thaïlande sans un mot en laissant Shane.
Mais voilà, Cary est bogosse et gentil, la drogue, ce n’est pas bien, et il refuse de rendre la came à Henry.
Ce dernier se venge en étranglant le frère de Trey (celui qui pionçait sur sa moto), et accuse Cary de l’avoir tué ! Le plan d’Henry est trop génial, car Trey le croit direct, sans preuves, et il veut l’attraper. Poursuivi par le FBI, la bande des Reapers et des Hellions, Cary s’enfuit avec Dalton, Val et Shane, pour prouver son innocence et convaincre Shane de lui donner une seconde chance…
Voici résumé les 30 premières minutes du film, les 2 tiers restant consistant en des courses poursuites tellement « j’me la pète » qu’elle s’auto-parodient, des effets de style inutiles, des dialogues nanardesques, un nombre hallucinant de clichés, de faux raccords, des placements de produits, un petit twist tout pourri, des gentils tous beaux et des méchants tous grimaçants. Mais, c’est tellement too much et décérébré que cela en devient hilarant !
Bon ne soyons pas méchant, Torque, la route qui s’enflamme a quand même quelques qualités. Joseph Kahn, dont c’était le premier film, a réalisé plus d’une centaine de vidéoclips, reçu de nombreux prix et travaillé avec les artistes les plus populaires (Lady gaga, Eminem, Shakira, KoRn, Britney Spears,…).
Bref, le mec est doué, sait manier une caméra et cela se voit ! Le film est techniquement au point, avec de très jolis plans, des cadrages impeccables et le film reste toujours lisible, même lorsque le montage devient frénétique à la Michael Bay. Mais cela amène au premier point négatif, la surabondance des plans stylés.
Je suis sûr que Joseph Kahn s’est éclaté à les faire, du genre « je sais le faire, regarde », mais il y en a trop, tout le temps et cela n’apporte rien. Un exemple ?
Tous ceux qui ont vu Les dents de la mer se souviennent du « travelling inversé » de Steven Spielberg, quand Martin Brody découvre l’attaque d’un requin ? C’est un moment fort du film. Et bien, Joseph Kahn en fait aussi un, mais dans une scène quelconque. Et des scènes stylées de ce style, il y en a un paquet, qui trouvent leur paroxysme lors des scènes purement action.
La mise en scène en fait des caisses. C’est outrancier, tellement dans la surenchère et le « j’me la pète » que cela en devient absurde et hilarant, à la limite de l’auto-parodie. Vous trouviez les scènes à moto dans Mission Impossible 2 invraisemblables, défiant les lois de la physique et qui en deviennent ridiculement drôle?
Et bien Torque, la route qui s’enflamme, c’est plusieurs crans en-dessus. Même les derniers Fast and furious n’ont jamais osé aller aussi loin dans la surenchère (même si on s’en rapproche gentiment) !
J’en veux pour preuve les 10 dernières minutes, où Henry et Cary roulent à 400 km/h en ville. La surenchère est totale (ça soulève des jupes, on fait des backflips inutiles en moto, etc…), le tout avec des effets spéciaux qui étaient déjà dégueulasses en 2004. Franchement, il faut le voir pour le croire !!!
Ensuite le scénario. J’ai rarement vu un film aussi con, à croire qu’il a été écrit par un enfant de 7 ans, mais avec le coté beauf et macho en plus. On nous montre l’univers des motards comme incroyablement cool, avec des bogosses propres et bien coiffés.
Ils ont la rebel attitude qui va bien, qui nous permet de rouler à fond sans se poser des questions, la plupart du temps sans casque. Et les personnages sont tellement bien développés qu’on ne sait rien d’eux et, hormis Shane, aucun ne travaille ou n’a un appart !
Un autre aspect dans lequel le film est très con, c’est la manière dont on veut bien nous mitrailler que c’est un film de motards. Ils tuent avec des chaînes de moto, on assomme avec un échappement de moto, se battent à moto, baisent avec des casques, utilisent le champ lexical de la mécanique pour communiquer (« La vie, c’est comme un 400 mètres départ arrêté! » Yo!), etc. Et n’oublions pas cette scène de Trek où, alors qu’il roule en moto, il pose son mobile contre le casque pour parler (!!!) puis, alors qu’il roule à bonne allure, consulte une carte routière comme un journal, sans le moindre souffle !
Le film date de 2004 mais, même pour l’époque, le film est incroyablement phallocrate (macho, si vous préférez). Les femmes dans Torque, la route qui s’enflamme en sont presque réduites à des objets, des chaudasses dévêtues qui ne sont là que pour satisfaire les mâles virils quand ils jouent avec leur engin (je parle de moto, hein ?). Et le film fait bien comprendre que les femmes sont inférieures aux hommes.
Par exemple, Shane vient par 2 fois chercher Cary en moto. Les 2 fois, c’est Cary qui prend les commandes et Shane qui se met derrière ! Déjà à l’époque, le film avait été critiqué pour son coté racoleur et par le traitement et le manque de respect envers les femmes. Vu la situation actuelle, Torque n’aurait jamais pu sortir en l’état en 2020.
Un mot pour finir avec les acteurs. On voit qu’ils ont été avant tout choisis pour leur belle gueule, car ils sont dénués de charisme, avec un jeu très plat. Ou alors, à l’image d’Ice Cube ou Matt Schulze, on les fait bien grimacer, car c’est des méchants. Quant aux personnages du FBI, ils ne servent à rien (à part pour shooter des voitures sans raison!).
Neal H. Moritz proposa l’idée du film à Universal Pictures (qui avaient produit les Fast and furious), mais ils ne furent pas emballés. Pas grave, Warner est intéressée, ils avancent les fonds et Torque, la route s’enflamme sort sur les écrans en janvier/février 2004. Au vu du résultat, ils auraient du le renommer « Torque, le film qui se la pète et qui se crashe ». Le film coûta 40 millions et en récolta 46,5. Un exploit pour un film aussi con et qui prend les spectateurs pour des cons!
Je vous encourage fortement à regarder l’extrait vidéo joint ci-dessous, avec le combat à moto entre Shane et China. Il représente bien le film avec ses nombreux hilarants défauts. Le combat à moto ne respecte aucune loi de la physique et elles arrivent notamment à cabrer une moto de 3 fois leur poids.
Cela continue avec du placement de produit à gogo, la ruelle qui change de longueur d’un plan à l’autre et la saut périlleux arrière de Shane qui envoie s’écraser China sur une voiture qui apparaît là comme par magie.
Si vous voulez vous initier aux nanars ou en voir un bien gratiné, je ne saurais que trop vous conseiller de regarder Torque... Rarement un film n’aura été aussi con et ne sera allé aussi loin dans la surenchère, avec un « j’me la pète » continuel, une mise en scène qui en fait des caisses, des effets spéciaux affreux (même en 2004), des dialogues nanardesques et ultra-macho. Enfin, le film est cynique, car bien que très con, il prend également le spectateur pour un con ! Son statut de nanar de haute volée est parfaitement mérité !
Hidalgo
Extraits vidéo :
Torque, la route s’enflamme
Sortie : 2004
Durée : 84 minutes
Genre : Nanar / Action
Pays : USA
Réalisation : Joseph Kahn
Production : Neal H. Moritz, Bruce Berman, Graham Burke, Brad Luff
Distribution : Warner Bros.
Scénario : Matt Johnson
Musique : Trevor Rabin
Acteurs principaux: Martin Henderson (Cary Ford), Ice Cube (Trey), Monet Mazur (Shane), Matt Schulze (Henry James), Jaime Pressly (China), Adam Scott (agent McPherson)
Budget : 40’000’000 $
Recettes : 46’546’197 $