Ces dernières années, Steven Spielberg a principalement tourné des drames ou des films « politiques », mais cela faisait longtemps qu’il n’avait pas réalisé un blockbuster sur fond de science-fiction. La guerre des mondes date en effet de 2005. On peut même remonter avant les années 2000, lorsque Spielberg faisait des films fédérateurs, avec un esprit convivial, familial et universel, l’époque des « films Amblin » (que Spielberg a réalisés ou produits).
Bref, cette sorte de « retour aux sources » de Spielberg, un film de sf à grand spectacle truffé de références geek sur la popculture (principalement les années 80), avec des moyens modernes, mais avec un esprit et une âme « années 80 » ne pouvait que m’attirer.
J’avais quand même des craintes, que le film verse dans le fan service ou des références à outrance mal utilisées, d’autant plus que le livre Ready player one était réputé inadaptable au cinéma. Autant vous le dire tout de suite, même si le film n’est pas parfait, cela faisait des années que je n’avais pas vu un aussi bon blockbuster !
En 2045, suite à plusieurs désastres vaguement expliqués (pénurie de maïs, guerre de la bande passante, pauvreté), la vie n’est pas facile. A Colombus vit Wade Watts (Tye Sheridan) un jeune homme de 17 ans. Orphelin, il vit dans une sorte de bidonville (appelé « Les piles »), avec sa tante Alice (Susan Lynch) et sa raclure de petite ami, Rick (Ralph Ineson).
Pour échapper à sa vie merdique, Wade fait comme la majorité de la population : il se connecte dès qu’il le peut à l’Oasis. C’est un gigantesque monde en réalité virtuelle, où l’on peut faire et exaucer pratiquement tout ce que l’on souhaite. Wade s’est aménagé une place dans une cache entre des voitures pour s’y évader.
Là, armé d’un casque, d’un tapis omnidirectionnel et de dispositifs haptiques, le fade Wade devient dans l’Oasis Parzival (Perceval en français), un beau gosse qui roule à bord de la mythique DeLorean de Retour vers le futur (avec, à l’avant, le scanner de Kitt dans K 2000).
L’Oasis a été créé par James Halliday (Mark Rylance) et Ogden Morrow (Simon Pegg). Mais, suite à des désaccords, Halliday a évincé Morrow et est devenu l’unique propriétaire de l’Oasis. A sa mort, Halliday diffuse une vidéo où il décide de léguer sa fortune (500 milliards de dollars) et le contrôle total de l’Oasis. Pour cela, il faut trouver 3 clés qui permettront d’avoir accès à l’easter egg, caché quelque part dans l’Oasis.
5 ans plus tard, personne n’a trouvé la moindre clé. Il y a juste une personne qui a résolu le premier indice qui donne lieu au premier défi. Pour avoir la première clé, il faut gagner une course. Mais la course est tellement difficile que personne à ce jour n’a réussi à la terminer. Perzival y va avec son ami Aech (Lena Waithe), avant tout pour ramasser des pièces (la monnaie virtuelle des joueurs éliminés).
La course démarre et, il croit reconnaître Art3mis (Olivia Cook), enfourchant la mythique moto de Kaneda d’Akira. C’est la pire terreur des sixers d’IOI (Innovative Online Industries), une entreprise dirigée par Nolan Sorrento (Ben Mendelsohn). Il désire à tout prix récupérer l’Oasis et emploie des centaines de joueurs, voir des moyens moins légaux, pour atteindre cet objectif.
Après la course, Parzival et Art3mis ayant « abandonné » (ils ne terminent pas la course, mais ne sont pas éliminés) cette dernière explique à Parzival qu’il faut absolument lutter pour empêcher IOI de mettre la main sur l’Oasis. Il détruirait son esprit, avec un abonnement payant avec plein de placements de produits (dans l’Oasis, on peut juste acheter des artéfacts, comme dans MMORPG gratuit).
Parzival se rend à une sorte de musée virtuel qui compile de nombreuses archives de la vie d’Halliday. En regardant un extrait, il trouve le moyen de gagner la course et obtient la première clé ! Art3mis imite sa technique, puis il divulgue l’information à ses amis Aech, Daito (Win Morisaki) et Sho (Philip Zhao).
Dès lors, la course à l’easter egg est lancé, Parzival et ses amis désirant contrecarrer les plans d’IOI, alors que Sorrento va tout tenter pour les éliminer, que cela soit dans l’Oasis ou la vie réelle.
Ce résumé peut vous paraître long et pourtant, je n’ai même pas raconté le quart du film! Le début du film est très bien fait, en 10 grosses minutes, les bases sont installées, entre la vie « réelle » de Wade, l’Oasis et la course à l’easter egg.
La suite se déroule un peu comme un film d’aventures futuriste, qui rappelle dans l’esprit Les Goonies (un film de Richard Donner produit par… Amblin et Steven Spielberg) !
Je tiens à préciser d’amblée une chose. Si le film est bourré de références et de clins d’oeil aux geeks et à la popculture des années 80 (films, musique, mangas et jeux vidéos), le film reste tout à fait compréhensible pour les non-initiés ou les réfractaires aux jeux vidéos.
En effet, et c’est voulu, Spielberg n’a pas souhaité développer les très nombreuses références (plus de 100) dans le film, et la grosse majorité n’apparaissent que quelques secondes, certaines demandant (peut-être) plusieurs visionnages pour être vues. D’ailleurs, plus le film avance, plus on les verra comme un bonus. Mais pour ceux qui ont grandi dans les années 80 (c’est mon cas), quel pied !
Spielberg joue avec les codes des années 80 et Ready player one transpire de nostalgie. Ce film est vraiment le fantasme de tous les geeks et les personnes ayant grandi dans les années 80. Et pour les références plus développées (comme Retour vers le futur), elles sont bien exploitées, traité avec respect.
Vous voulez des exemples ? Parzival roule en DeLorean, mais comment résout-il les énigmes ? En fouillant dans le passé! Quel jeu est représenté lorsque l’on rentre dans l’Oasis et que les premières secondes montrent un univers cubique? Minecraft ! Qui fait le clin d’œil de T2 ? Le géant de fer ! Quand apparait le hadoken ? Dans une bagarre ! Etc…
A chaque fois que la référence dépasse quelques secondes, c’est bien amené. N’oublions pas que Spielberg est lui-même geek et amateur de jeux vidéos. Même la console Atari 2600, que j’étais trop jeune pour l’avoir connu (fin des années 70), elle prend tout son sens en regardant le film.
Pour la réalisation, c’est simple. On se prend une énorme claque visuelle ! Les effets spéciaux sont incroyables, du jamais vu, et plusieurs scènes m’ont laissé sur le cul ! Je retiens en particulier 4 séquences, la première course, la discothèque, le « film dans le film » et la bataille pour l’Oasis.
La course du début est juste incroyable, une scène d’anthologie ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti ça, et ce sera difficile de faire mieux et plus dingue ! Cela bouge dans tous les sens, avec des angles de caméra incroyables qui, malgré tout, l’action reste totalement lisible !
Quand au « film qui se passe dans un film (culte) », pas besoin de l’avoir vu pour comprendre, mais si vous le connaissez bien (ce qui est mon cas), cela m’a scotché au siège ! C’est juste incroyable au niveau de la fidélité (au pixel près !) et comme ils arrivent à l’intégrer ! Du grand art…
Si la scène dans la discothèque ou la bataille pour l’Oasis sont bluffantes, c’est tout le film qui techniquement incroyable. Même si la partie en images de synthèse occupe 65%-70% du métrage, c’est dosé de la meilleure des façons.
On n’a jamais cette impression d’avalanche de cgi qui font mal aux yeux, genre la fin de certains films Marvel. Dit autrement, on en prend plein la vue, mais sans forcer le trait comme dans beaucoup de blockbusters récents.
Au niveau des acteurs, si tous sont bons, 2 se détachent du lot. Olivia Cook, en Samantha/Arth3mis et Mark Rylance en James Halliday/Anorak. Ils apportent de l’épaisseur à leur personnage, et on a même de l’empathie pour Halliday.
Car si c’était un génie qui a créé l’Oasis, c’est une personne très triste et très seule, extrêmement mal à l’aise dans sa vie en société et vivant plongé dans on univers.
Ceci étant, Ready player one n’est pas parfait. Le film transpire les années 80 dans sa construction, ce qui implique aussi les « défauts » de l’époque. Le scénario est simple (mais pas simpliste), le méchant est vraiment méchant et les personnages sont peu, voir pas assez développés (hormis les 3-4 principaux).
Spielberg a voulu faire un film typé 80’s qui faisait rêver notre génération. Cela explique aussi pourquoi la fin et le message du film sont quand même un poil trop « gentil ». L’Oasis est idéalisée et si elle existait vraiment, elle aurait probablement laissé court aux pires instincts humains.
Mais ne boudons pas notre plaisir, car contrairement à la majorité des blockbusters actuels, le film a une âme.
On sent que c’est Spielberg derrière et qu’il en a sous le pied. Ready player one est selon moi le meilleur blockbuster de ces 5 dernières années.
Comme je l’ai dit en préambule, Ready player one est tiré du roman du même nom d’Ernest Cline, sorti en 2011. Le livre était réputé inadaptable, de part ses très nombreuses références à la popculture des 80’s. Ernest Cline a lui-même écrit l’adaptation en film de son livre avec l’aide de Zak Penn.
Je n’ai pas lu le livre, mais les différences sont paraît-il nombreuses, ayant simplifié l’intrigue en enlevant un grand nombre de références pour pouvoir l’adapter en film.
Steven Spielberg a également demandé à ce qu’on enlève toutes les références des films qu’il a réalisés, le T-Rex de Jurassic Park étant la seule exception. C’est juste dommage que Disney ait refusé les droit d’utiliser ses licences (Disney/Pixar, Marvel et Star wars), ce sont les absents du film.
Doté d’un budget confortable de 175 millions de dollars (250 à 300 millions avec le budget marketing), le film a rapporté 582 millions. Certes, c’est un succès, mais moins qu’espéré et il n’est pas certain qu’une suite voit le jour.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. Ready player one a probablement été perçu comme un film uniquement dédié aux geeks ayant grandi dans les années 80 fans de jeux vidéos et de popculture principalement 80’s. Ce n’est pas le cas.
Une personne peut sans problèmes regarder le film sans connaître toutes les références utilisées, un peu comme pour les films de Quentin Tarantino. Même si, effectivement, l’immersion est plus grande si on les connait. Des références, il y en a partout, mais elles ne sont jamais ostentatoirement dans ta gueule.
On pourrait aussi souligner qu’il n’a utilisé aucune star dans son film (même si Spielberg est souvent coutumier du fait) ou son faible score au Etats-Unis, où il n’a rapporté « que » 132 millions. Il faut dire que là-bas, les films de superhéros ravagent tout sur leur passage et même des grosses bouses comme Suicide squad (2016) ou Venom (2018) ont rapporté plus !
Je ne compte plus le nombre de blockbusters fades au scénario interchangeable et sans âme, où l’on préfère capitaliser sur des franchises plutôt que de proposer quelque chose d’original. Mais je vais m’arrêter là, la chronique est déjà suffisamment longue.
Pour conclure, Ready player one signe le grand retour de Spielberg au blockbuster universel et familial. L’histoire est simple sans être simpliste, la réalisation et les effets spéciaux sont incroyables, on ne s’ennuie pas une seconde avec des séquences à tomber, comme la première course poursuite ou le « film dans le film » qui sont justes énormes.
C’est gavé de références s’adressant principalement aux personnes ayant grandi durant les années 80, mais il n’est pas réservé aux geeks et tout un chacun peut apprécier le film. Ready player one est, pour moi, le meilleur blockbuster de ces 5 dernières années.
Hidalgo
Extraits vidéo :
Ready player one
Sortie: 2018
Durée: 140 minutes
Genre: science-fiction
Pays: Etats-Unis
Réalisation : Steven Spielberg
Production : Steven Spielberg (Amblin), Donald De Line, Dan Farah et Kristie Macosko Krieger
Distribution : Warner Bros.
Scénario : Ernest Cline et Zak Penn, d’après le roman Player One d’Ernest Cline
Musique : Alan Silvestri
Acteurs principaux: Tye Sheridan (Wade Watts/Parzival), Olivia Cooke (Samantha Cook/Art3mis), Ben Mendelsohn (Nolan Sorrento), Lena Waithe (Helen/Aech), Mark Rylance (James Halliday/Anorak)
Budget : 175’000’000 $
Recettes : 582’890’172 $