Si l’aventure spatiale ne vous intéresse pas ou peu, vous pouvez passer la longue introduction écrite en bleu et vous rendre directement au pitch du film.
Concernant l’aventure spatiale, il a toujours été beaucoup plus simple de connaître l’aventure américaine que l’aventure russe. D’une part, à cause de l’idéologie pendant la guerre froide, quand l’Europe de l’ouest était clairement « pro-USA », mais également à cause du fameux culte du silence russe.
En effet, lorsque les russes célébrait une grande première spatiale, c’était après que ladite mission ait réussi. Spoutnik 1, Spoutnik 2, le premier vol de Youri Gagarine et bien d’autres ont été annoncés après leur succès. Si Gagarine était mort, cela serait resté secret.
Si l’on a connu le décès de Vladimir Komarov, c’est parce que le vol du premier Soyouz coïncidait avec l’anniversaire de naissance de Lénine. Quant aux décès des cosmonautes Dobrovolski, Patsaïev et Volkov sur Soyouz 11, on le sut car toute la mission s’était parfaitement déroulée, jusqu’à leur retour, lorsque l’habitacle se vida de son atmosphère et qu’ils périrent asphyxiés.
Le fait le plus notable, à savoir que les russes ont tenté de se poser sur la Lune n’a été officiellement dévoilé qu’en 1985, et la mission sur Salyut-7, qui était une mission de sauvetage (et soi-disant éviter que les américains s’en emparent) ne sera officiellement confirmée qu’en 2010.
Mais au fait, c’est quoi Salyut (ou Saliout en français)? Ce sont les premières stations spatiales soviétiques habitées. Tout d’abord connues sous le nom Almaz et conçues dans un but purement militaire (ce qui sera à nouveau tenu secret de nombreuses années) et la tentative d’envoyer un homme sur la Lune ayant échouée, les dirigeants russes décident de concevoir une station scientifique basée sur Almaz sous le nom de Salyut (histoire de « sauver la face »).
Sur les 9 stations lancées, 3 était des Almaz (à but militaire), mais leur fiabilité très aléatoire provoqua la perte de plusieurs stations et le drame de Soyouz 11. Toutefois, ils étaient en avance sur les américains, qui lancèrent leur station spatiale Skylab en 1973, alors que la première station Salyut fut mise en orbite en 1971.
Après cette longue introduction (en espérant que la majorité d’entre vous l’ont lue et appréciée), il est temps de parler du pitch du film, qui est inspiré d’une histoire vraie.
Nous sommes en février 1985 et la station Salyut-7 (Saliout en français), inoccupée depuis plusieurs mois, cesse d’émettre. Elle échappe à tout contrôle et commence à effectuer une rotation sur 2 axes.
Une réunion d’urgence a lieu pour décider du sort de la station : l’envoyer se désintégrer dans l’atmosphère, la faire exploser ou la réparer et la remettre en l’état si c’est possible. La future station spatiale Mir ayant pris du retard (elle sera mise en orbite une année plus tard), on décide de sauver la station.
De plus, le sauvetage doit se faire rapidement. Les américains vont lancer dans les 3 mois la navette spatiale Challenger à vide, et comme la soute de la navette est suffisamment grande pour contenir la station, ils ne veulent pas qu’elle tombe aux mains des américains.
Dès lors, le directeur de vol (Alexandre Samoïlenko) décide de tester tous les cosmonautes ayant des compétences en pilotage pour s’amarrer à la station, qui, je le rappelle, effectue une rotation sur 2 axes. Tous échouent à la simulation. De plus, ils décident de n’envoyer que 2 cosmonautes pour la mission au lieu de 3 habituellement, afin de pouvoir stocker plus d’eau et de nourriture.
Finalement, ils choisissent Vladimir Fedorov (Vladimir Vdovitchekov), le seul à s’être amarré manuellement à la station, mais qui était interdit de vol (dans l’intro du film, il a eu une hallucination lors de sa mission précédente).
Il sera accompagné par Viktor Alekhine (Pavel Derevianko), un cosmonaute connaissant très bien la station, l’ayant en partie conçue.
Ils décollent sans encombre et arrivent à proximité de la station qui, effectivement, tourne sur 2 axes. Une manœuvre périlleuse s’engage, qui échoue à la première tentative. Le centre de contrôle leur demandent d’attendre avant une nouvelle tentative, mais Vladimir n’en a cure, et décide de retenter l’amarrage façon Michael Bay, c’est-à-dire brutal et sans finesse. Mais ça marche ! Ils pénètrent dans la station, qui n’est plus alimentée en électricité, et qui est complètement gelée.
Dès lors, ils vont devoir tenter de remettre en l’état la station, à savoir enlever toute la condensation, puis rétablir l’éclairage, le chauffage, la purification de l’air, la radio et l’électricité. Mais les déconvenues s’accumulent alors que les réserves en vivres et en oxygène s’amenuisent. Et la navette spatiale Challenger vient de décoller et effectivement, elle ne transporte rien dans sa soute…
Réalisé en 2017, Salyut 7 est inspiré de la mission de sauvetage de la station du même nom en 1985. J’insiste sur le mot inspiré. A la différence de l’excellent Apollo 13 (chroniqué sur le site), qui représentait de manière très fidèle les événements vécus par les astronautes, Salyut 7 prend pas mal de libertés avec l’histoire originale, la dramatisant fortement et insistant sur le courage des cosmonautes, voulant à tout prix réussir leur mission.
Certes, le sauvetage fut périlleux et difficile, mais les événements ont été accentués, voir inventé pour certains. Ce n’est pas forcément un point négatif, mais l’histoire vraie est nettement moins épique que le film.
Niveau réalisation, Salyut-7 a tout du blockbuster. Les effets spéciaux n’ont rien à envier aux blockbusters américains et si on devait le comparer à un film américain, ce serait plutôt du coté de Gravity. Le film est globalement bien réalisé, avec de beaux plans, des effets spéciaux solides, une bonne reconstitution de l’URSS des années 80 et il évite de nous abreuver de dialogues techniques. Néanmoins, malgré toute la bonne volonté de Klim Chipenko, la mayonnaise ne prend pas totalement.
En effet, malgré toute la bonne volonté pour en faire un grand film, ce dernier est maladroit. On sent qu’ils ont tenté de s’inspirer des références américaines tout en gardant une âme russe, mais on remarque que l’expérience manque. Ne serais-ce qu’au niveau du rythme, qui manque clairement de maitrise.
De plus, le film est froid, avec peu d’émotion, y compris dans les moments dramatiques. On ne sent pas d’alchimie entre les acteurs, on n’arrive pas à croire aux 2 couples à l’écran et hormis éventuellement le directeur de vol et les 2 cosmonautes (et encore), aucun personnage n’est attachant.
La scène sensée être émouvante entre Vladimir, sa femme et sa fille tombe ainsi à plat, surtout due aux dialogues et des visages très peu expressifs (hormis une larme de sa femme). Ensuite, je ne sais pas si cela est du à une différence culturelle. Je m’excuse par avance si j’ai fait une boulette, mais je trouve le film froid.
Un autre point un poil dérangeant, c’est que le film a été financé par l’Etat, et cela se sent. Les films américains sont souvent décriés pour le patriotisme, mais là, c’est encore plus flagrant. On sent qu’on enjolive le régime socialiste de l’époque, même si les dirigeants sont paranoïaques.
Le directeur de vol et les 2 cosmonautes sont des hommes courageux qui veulent absolument réussir la mission pour la gloire et l’honneur de la mère patrie, même si ils doivent pour cela se sacrifier, etc…
Quant à l’hypothèse que la navette spatiale américaine Challenger ait tenté de s’emparer de Salyut-7, cela n’a jamais été ni prouvé, ni démenti. Néanmoins, c’est tout à fait possible que les américains aient tenté de s’en emparer, étant en retard dans le domaine des stations spatiales. Et tant les russes que les américains se sont emparés des technologies adverses pour leur programme spatiale (au hasard, la navette Bourane).
Enfin, si la partie dans l’espace est relativement intéressante, c’est nettement plus mitigé pour la partie se déroulant sur terre, certaines scènes étant clairement ennuyeuses. C’est dommage, car on sent le potentiel, un film pouvant tout à fait rivaliser avec les productions hollywoodiennes au niveau de la réalisation et des effets spéciaux, mais il manque encore ce petit quelque chose…
En définitive, Salyut-7 n’est pas un mauvais film, s’inspirant d’une mission de sauvetage d’une station spatiale méconnue sous nos latitudes. Oui, le réalisateur est compétent, les effets spéciaux en jettent, la photographie est bonne et certaines scènes sont spectaculaires, mais cela ne suffit pas à en faire un grand film. Ma note de 2 étoiles est plutôt de 2,5 étoiles, preuve qu’il est loin d’être mauvais
Le film est froid, avec peu d’émotions, aucun personnage n’est vraiment attachant, et on enjolive un peu le régime socialiste de l’époque.
A mon humble avis, Salyut-7 intéressera principalement les personnes intéressés par le programme spatial, mais dans le domaine, Gravity voir Apollo 13 lui sont nettement supérieurs.
Hidalgo
Extraits vidéo :
Salyut-7
Sortie: 2017
Durée: 113 minutes
Genre: histoire vraie / drame
Pays: Russie
Réalisation : Klim Chipenko
Production : Sergeï Selianov, Bakour Bakouradzé, Anton Zlatopolski
Distribution : Rossiya 1
Scénario : Natalia Merkoulova, Alekseï Samoletov, Klim Chipenko
Musique : Sviatoslav Kourachov, Vlad Zhoukov
Acteurs principaux: Vladimir Vdovitchekov (Vladimir Fedorov), Pavel Derevianko (Viktor Alekhine), Alexandre Samoïlenko (directeur de vol), Maria Mironova (Nina Fedorova), Lioubov Aksionova (Lilia Alekhina), Oksana Fandera (Lazareva)
Budget : 6’250’000 $ (400 millions roupies)
Recettes mondiales: 16’746’823 $