Le festival de Cannes honore souvent des films « autheurisant », c’est-à-dire le cinéma d’auteur. Destiné à un public limité, avec une distribution confidentielle, profitant de leur prix pour avoir une diffusion un peu plus importante. Bien sûr, il y a des exceptions, comme par exemple Le salaire de la peur (1953), La dolce vita (1959), Le guépard (1963), Taxi driver (1975), Apocalypse now (1979) ou, plus récemment, Pulp fiction (1994) et Le pianiste (2002) qui ont eu un succès populaire ou acquis le statut de film culte avec les années.
Lors de sa diffusion à Cannes, le public acclama Parasite pendant 8 minutes. C’était plutôt encourageant, même si Ma vie de Courgette (2017) (chroniqué sur le site) fut ovationné également, mais reparti bredouille de Cannes (tout en raflant quantité de prix dans d’autres festivals). Mais, lors de l’attribution de la Palme d’Or 2019, le film Parasite fut nommé à l’unanimité du jury.
Si je suis allé voir Parasite, ce n’est pas parce qu’il a remporté la Palme d’Or 2019, mais parce que son sujet m’intéressait. D’autant plus que le réalisateur, Bong Joon-ho avait déjà réalisé d’excellents films, comme Memories of murder (2003), Mother (2009) ou Snowpiercer, le transperceneige (2013). Et autant le dire tout de suite, je n’ai pas été déçu, j’ai adoré Parasite !
La famille Kim vit dans la misère. Les parents et leurs 2 enfants sont au chômage et vivent entassé dans un minuscule appartement délabré et sombre, qui émerge à peine du sol. Ils vivotent comme ils peuvent, notamment en pliant des boîtes à pizza et lorsqu’ils arrivent à pirater le réseau wi-fi d’un voisin, c’est noël.
Ki-woo (Choi Woo-sik) reçoit la visite d’un ami, qui lui propose de le remplacer pour donner des cours d’anglais à Da-Hye (Jung Ziso), la fille d’une famille riche, les Park.
Avec l’aide de sa sœur Ki-Jung (Park So-dam), qui a raté de peu l’entrée à l’école des beaux-arts, elle lui confectionne un faux diplôme. Pour donner ses cours, il se rend dans une très grande maison sur les hauteurs de la ville, sympathise assez vite avec la mère Yeon-gyo (Cho Yeo-jeong) et en profite pour séduire Da-Hye.
Ki-woo est impressionné par la richesse de la famille Park, et voudrait que sa famille puisse en profiter également. Il remarque que Yeon-gyo s’extasie devant les dessins de son fils Da-song, y voyant le nouveau Basquiat !
Et comme Da-song a été traumatisé par un événement, Ki-Woo lui recommande une art-thérapeute réputée, soit… sa propre sœur, Ki-jung ! Et cela marche !
A partir de là, tout en omettant qu’ils sont tous de la même famille, les Kim vont tout mettre en œuvre pour s’immiscer dans la famille Park, à des postes différents. C’est très drôle et ingénieux. Ils vivent partiellement sous le même toit et un soir, alors que les Park sont absents pendant le week-end, les Kim profitent de leur grande maison et se saoulent. Mais, soudain, un twist inattendu survient et le film va prendre une tournure très différente.
Avec ce twist, qui survient au tiers du film, on va dès lors jongler entre plusieurs styles. Jusque là, Parasite était une critique sociale sur fond de comédie…ou l’inverse. En effet, on rigole devant toutes les magouilles qu’utilisent les Kim pour virer les domestiques en place et les supplanter. Après le twist, le film va osciller entre plusieurs genres, entre comédie, drame, thriller, mélodrame, épouvante…
On pourrait croire que cela rend Parasite difficile à suivre, mais non ! Cette multitude de genres cohabitent parfaitement, sans que le spectateur soit perdu. Parasite réussit l’exploit de mélanger les genres, de se réinventer sans cesse et d’avoir de nombreux rebondissements sans se casser la figure ! On pourrait même dire que le changement de genres renforce la fluidité du récit.
D’ailleurs, si au début, on peut croire que le terme « parasite » désigne uniquement la famille Kim, au fur et à mesure du récit, on se rend compte que tout le monde est le parasite de quelqu’un à un moment donné dans cette lutte de classes.
Et la critique sociale, qui était assez légère au début, devient de plus en plus acerbe, sans pour autant prendre parti.
Si certains pourraient penser que le film est avant tout une critique au vitriol sur la thématique sociale de la société coréenne, ils se trompent lourdement. Les Kim, qui grâce à leurs arnaques, se sentent exister dans une société qui les méprise, ou la classe des nantis qui vivent dans l’opulence en se permettant de critiquer les classes en-dessous, ce n’est pas uniquement en Corée que cela a lieu. Le film est un miroir de notre époque et de notre société.
La mise en scène est très bien maîtrisée, minutieuse et inventive. On n’en attendait pas moins avec Bong Joon-ho, c’est très bien filmé, avec des ralentis très bien exploités et des plans très riches et bien construits, que l’on soit chez les riches, ou les pauvres.
Même dans sa réalisation, l’opposition entre pauvres et riches est démontrée de manière symbolique.
Certains sont facile à comprendre, d’autres nettement plus subtils, car chaque plan est étudié et pensé pour signifier une idée, comme les travellings verticaux (vous comprendrez en regardant le film).
Par exemple, les pauvres (Kim) vivent dans un endroit minuscule, délabré, sombre et à ras le sol, quand les riches (Park) vivent dans une très grande maison lumineuse avec des matériaux nobles dans les hauteurs de la ville.
Ou chaque fois que les Kim doivent rentrer chez eux, ils emploient un escalier, symbole qu’ils redescendent l’échelle sociale. Ses symboles sont relativement évidents, certains nettement plus subtils, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir, ne voulant pas spoiler Parasite.
Néanmoins, le film ne prend pas vraiment parti pour dénoncer une classe sociale. Chacun ont leurs bons et leurs mauvais cotés, et le film évite le coté moralisateur que l’on retrouve dans beaucoup de productions actuelles.
Pour finir, je n’ai pas parlé des acteurs. Suite à son succès en salles, le film a été doublé en français (ce n’était pas prévu à la base), mais j’ai vu le film en vo-sous titrée. Mais que dire des acteurs ? Ils sont tous parfaits, entre les Kim, une famille soudée et unie qui veut s’en sortir et les Park, vivant dans leur bulle. Vraiment, tous les acteurs sont épatants, et je vous conseille fortement de voir le film en vo sous-titrée, pour constater leur performance.
Au final, Parasite est un film maîtrisé de bout en bout, que cela soit la mise en scène, le scénario, les acteurs, une critique sociale poignante, un film intelligent qui se veut néanmoins accessible. Au moment ou j’écris la chronique, Parasite est le meilleur film de 2019 que j’ai vu jusqu’à présent.
Pour ceux qui ne l’aurait pas encore vu, n’hésitez pas, les dvd/bluray et la location sortent à mi-octobre. Un film qui marque, un vrai film de cinéma.
Hidalgo
Extraits vidéo :
Parasite
Sortie: 2019
Durée: 131 minutes
Genre: Drame, comédie noire, thriller
Pays: Corée du Sud
Réalisation: Bong Joon-ho
Production: Barunson E & A
Distribution: 20th Century Fox
Scénario: Bong Joon-ho, Han Jin-won
Musique: Harry Gregson-Williams
Acteurs principaux: Song Kang-ho (Ki-taek, le père), Jang Hye-jin (Chung-sook, la mère), Choi Woo-sik (Ki-woo, le fils), Park So-dam (Ki-jung, la fille), Cho Yeo-jeong (Yeon-gyo, la mère « riche »), Lee Jeong-eun (la gouvernante)
Budget: 11’800’000 $
Recettes mondiales: 254’108’279 $
Récompenses :
Festival de Cannes 2019
Palme d’Or
Prix de l’AFCAE
Festival du film de Sydney 2019
Sydney Film Prize