Ahhh, Les dents de la mer. Une saga qui n’a cessé de décliner. Pourtant, tout avait très bien commencé avec le premier volet en 1975. Un excellent film qui lança la carrière de Steven Spielberg et qui, à l’époque, ficha une peur monstre à toute une génération à chaque fois que l’on trempait un orteil dans la mer. C’est également ce film qui est considéré comme le premier blockbuster (sous sa forme actuelle), avec le raz de marée qu’il provoqua au box-office (il rapporta 471 millions, pour un budget de 7).
Bref, c’est là que ça se gâte. Steven Spielberg ne veut pas faire de suite et s’en va continuer sa carrière sur terre ferme et sous d’autres cieux avec le brillant succès que l’on sait. Mais, le studio contient de nombreux requins qui, appâtés par de jolis billet verts, vont réaliser des suites. Qui sera chaque fois plus mauvaise que la précédente.
Si Les dents de la mer 2e partie (1978) (renommé ainsi pour éviter le jeu de mots foireux) prenait l’eau en étant plusieurs crans en-dessous de l’original, il était encore potable. Cela a commencé à sérieusement sentir le moisi avec Les dents de la mer 3 (1982), qui essayait de vendre du rêve avec son effet 3D, mais avec des effets spéciaux si immondes que le sentai le plus fauché n’en voudrait même pas.
Mais, avec Les dents de la mer(de) 4 (1987), aïe ! On nage en plein dans le caca, le film coulant à pic et rejoignant les abysses des films ratés sur tous les plans. Comment est-on passé d’un chef d’œuvre en 1975 à un nanar qui fait plouf en 1987 ? On va déjà parler du pitch, bien gratiné comme du poisson à la bordelaise…
A la station balnéaire d’Amity, Martin Brody, le chef de police et héros des 2 premiers volets est mort, terrassé par une crise cardiaque. Sa femme, Ellen (Lorraine Gary), vit toujours à Amity et pour leurs 2 fils, Sean (Mitchell Anderson) a pris la relève de son père et Michael (Lance Guest) est biologiste marin et vit aux Bahamas.
C’est la période de Noël et Sean doit remorquer un madrier qui bloque l’entrée du port. Mais voilà qu’un requin, qui passait trankil par là, voit Sean ! Le requin a une dent contre la famille Brody, il les déteste ! Et voilà que Sean finit (en partie) dans l’estomac du requin !
Son frère Michael vient avec sa femme et sa fille pour les funérailles et propose à sa mère de les rejoindre aux Bahamas pour se changer les idées après la cérémonie. Ellen accepte mais, le requin, celui qui déteste les Brody, les as suivis jusqu’aux Bahamas pour venger la mort des requins des films précédents !!!
Oui, vous avez bien lu !!! Tiens, serait-ce un film de science-fiction ou le scénario est juste complètement con ? Après réflexion, ce n’est pas un film de sf…
Aux Bahamas, Ellen fait la connaissance d’Hoagie (Michael Caine), un pilote d’un bimoteur (avion), avec qui elle va flirter. On va aussi connaître Jake (Mario Van Peebles), le collègue et super poto de Michael.
Quelques jours plus tard, ça y est, le requin a retrouvé la trace des Brody. Alors que Michael et Jake étudient les mollusques en mer, qui c’est qui arrive ? Le requin ! A partir de là, et grâce à un scénario très mal branlé, toute la famille Brody, Hoagie et Jake vont se retrouver aux prises avec le requin, qui veut tous les grignoter, le méchant…
Houlà, par quoi commencer ? Il faut dire que le film était dès le départ très mal embarqué. En 1986, les studios Universal sont dans le rouge, leurs derniers gros films ayant bidé. Par contre, Les dents de la mer 3 avait rapporté 5x son budget malgré sa nullité. C’est go pour faire un quatrième volet.
Mais on a besoin de fric, et rapidement. Sid Sheinberg, le PDG d’Universal, décide qu’on produise le film rapidement. Très rapidement. Trop rapidement.
D’habitude, un film demande environ 2 ans (voire 3 ou 4 pour un blockbuster) entre l’écriture du scénario, le choix des acteurs et de l’équipe technique, la construction des décors, le tournage, le montage, la musique et la sortie dans les salles. Pour Les dents de la mer 4, la revanche, ils n’ont eu que… 9 mois !!!
Le résultat est catastrophique, mais assure au nanardeur averti de franches rigolades ! Hormis la musique, qui est la seule chose réussie (et réutilise le thème mythique), ce film cumule les défauts à tous les niveaux.
Déjà, rien que l’histoire du requin vengeur qui fait des milliers de bornes pour se débarrasser des Brody, fallait oser pour inventer un concept aussi wtf !!!
C’est aussi con qu’un discours de Donald Trump ! Quoique, la scène où Ellen vole un bateau pour affronter le requin, Hoagie qui amerrit avec un avion pas du tout adapté, la fin qui n’a aucun sens et d’autres petites choses que je vous laisse découvrir, m’ont bien fait rire !
En plus, vu qu’au niveau de l’histoire, il ne se passe rien (il ferait 30 mins en enlevant le remplissage), on tente vainement de mettre quelques sous-intrigues.
Genre l’amourette entre Ellen et Hoagie ou les superpotos Mike et Jake qui étudient les mollusques. Mais c’est tellement inintéressant qu’on s’en fout complètement.
Ah oui, on a aussi droit à des flashbacks du premier film, une technique qui pue l’opportunisme à plein nez pour tenter de rehausser le niveau du bousin. C’est encore amplifié en repompant la scène du concours de grimaces, mais avec le talent en moins. Quant au requin de ce 4e volet, je vais y revenir.
Pour les acteurs, Lorraine Gary sort de sa retraite pour reprendre le rôle d’Ellen. Il faut savoir que c’était la femme de Sid Sheinberg, donc même si elle a eu un gros coup de pouce pour le rôle, c’est de loin la meilleure du lot (Michael Caine fait le minimum syndical).
Et ce sera son dernier film. Quant aux autres acteurs, ils sont en roue libre avec des dialogues navrants, mais qui ont le mérite d’être drôles, vu que c’est débité sur un ton sérieux.
Mais n’oublions pas la star du film, le requin vengeur. Il n’est absolument pas crédible, avec une apparence « plastoc », sa rigidité et par la réal (j’en parle plus loin). En plus, il pousse des rugissements ( !!! ), est très lent, n’arrive pas à nager en ligne droite et… il vole !!! Vous vouliez voir un requin qui a les 2/3 du corps hors de l’eau et tient en équilibre mieux qu’un dauphin ? Ne cherchez plus, il est là!
En plus, pour un « Les dents de la mer », le nombre de victimes est ahurissant, avec… 2 victimes !
On a aussi droit à une résurrection et bon, la fin du requin vaut son pesant de saumon fumé. La prod voulait une fin spectaculaire. Non seulement c’est raté, mais elle n’a absolument aucun sens!
Un mot sur Joseph Sargent, le réalisateur. Il n’était pas chaud pour faire le film et vu les conditions de tournage, il a baissé les bras. Quand on voit le résultat, on se dit que c’est un exhibitionniste du foutage de gueule, un fumiste de première !
Pour le requin, on voit une fermeture éclair derrière son aileron ( !!! ), son bras mécanique et des rails sur de nombreux plans. La scène avec Jake dans l’eau n’a pas été tournée en mer (regardez le ciel, on voit que c’est une piscine), Hoagie qui sort de l’eau avec des vêtements secs, Sean qui hurle plusieurs secondes après avoir perdu son bras, la mort hallucinante du requin, etc…
Etonnement, le film dégagea un bénéfice, mais coula définitivement la licence. Sur 4 films, il y en a 3 de trop ! Des années plus tard, on demandera à Michael Caine, grand acteur s’il en est, ce qu’il pensait du film.
Il ne l’a jamais vu en entier, mais on lui a dit que c’était une cata. Au moins, son cachet dans le film lui a permis de construire sa maison. Et il gagna aussi un Oscar pour Hanna et ses sœurs cette année là.
Bref, quoi dire de plus ? Les dents de la mer 4, la revanche est effectivement un très mauvais film. Hormis la musique qui surnage, tout le reste est raté, que ce soit l’histoire du requin vengeur, ses énormités, les dialogues, le requin pas du tout crédible, ses lacunes de réalisation et son haut degré de connerie. Mais, si vous cherchez un gros nanar et voulez rigoler un bon coup, installez-vous confortablement et admirez ce film involontairement drôle.
Hidalgo
Extraits vidéo :
Les dents de la mer(de) 4, la revanche
Sortie: 1987
Durée: 90 minutes
Genre: nanar qui fait plouf
Pays: USA
Réalisation: Joseph Sargent
Production: Joseph Sargent, Frank Baur
Distribution: Universal Pictures
Scénario: Michael de Guzman
Musique: Michael Small
Acteurs principaux: Lorraine Gary (Ellen Brody), Lance Guest (Mike Brody), Mario Van Peebles (Jake Witherspoon), Karen Young (Carla Brody), Michael Caine (Hoagie Newcombe)
Budget: 23’000’000 $
Recettes : 51’881’013 $